Notre Dame de la Couture | Cathédrale du Mans

Jésus, fils de David, prends pitié de moi !

Frères et sœurs, chers amis,  c’est en contemplant le tympan du porche royal de notre cathédrale que je vous écris ces lignes auxquelles je réfléchis depuis plusieurs semaines. Le Christ en gloire nous regarde, entouré des quatre évangélistes et accompagné de ses douze apôtres. C’est lui que nous essayons d’aimer et de suivre depuis le jour de notre baptême. C’est lui qui nous envoie en mission au cœur de ce monde. C’est avec lui que nous traversons les jours paisibles et les jours de tempête. Le Christ nous regarde et renouvelle à chacun d’entre nous son appel à grandir dans la foi, dans l’espérance et dans la charité qui ne trompent jamais.

 

Le 5 octobre dernier a été rendu public le rapport de la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE) dont les résultats ont suscité entre nous et en chacun de nous des réactions diverses et des sentiments contrastés. À titre personnel, il m’est apparu nécessaire de prendre le temps du silence et de la prière pour prendre la mesure de la gravité et de l’ampleur des faits ainsi révélés. Les textes bibliques proclamés durant cette période nous ont aidés à entrer dans ce travail d’écoute et de discernement. En ce jour, nous pouvons faire nôtre la prière qui jaillit des lèvres de cet aveugle mendiant qui était assis sur le bord du chemin, à l’entrée de Jéricho : « Jésus, fils de David, prends pitié de moi ! » Nous demandons au Seigneur de prendre pitié de nos misères et de nos infirmités, de notre aveuglement aussi.

 

De nombreux chrétiens se disent troublés, à juste titre, par la question de la responsabilité comme si nous avions tous à payer une dette que certains seulement ont contractée par les abus et les crimes dont ils se sont rendus coupables. Une telle perspective serait évidemment injuste car elle ne correspond pas à la réalité objective des faits. La responsabilité dont il est alors question est d’une autre nature. Peut-être Saint Paul est-il celui qui nous aide à en prendre conscience lorsqu’il compare l’Église à un corps humain : « si un seul membre souffre, tous les membres partagent sa souffrance ; si un membre est à l’honneur, tous partagent sa joie. Or vous êtes corps du Christ et, chacun pour votre part, vous êtes membres de ce corps » (1 Co 12, 26-27). La souffrance des victimes nous touche et elle nous concerne ; les blessures qui leur ont été infligées ne peuvent pas nous laisser insensibles ni passifs. C’est pourquoi nous sommes responsables du chemin de guérison et de vigilance qui s’ouvre devant nous.

 

Le pauvre de l’Évangile reconnaît sa misère, plaçant sa confiance en Jésus pour être relevé et pour avancer. Il ne s’en remet pas à ses propres capacités qu’il sait fragiles et insuffisantes. En réponse à sa prière, le Seigneur lui accorde le don de la vue : « Retrouve la vue ! Ta foi t’a sauvé » (Lc 18, 42). Ayant ainsi recouvré la capacité de voir, cet homme peut marcher à la suite du Maître et connaître une vie nouvelle. Cette rencontre nous rappelle qu’il n’existe avec Dieu aucune impasse définitive. Lui seul peut faire advenir la lumière au milieu des ténèbres les plus épaisses.

 

Au cours des dernières semaines, certains d’entre vous ont eu l’occasion de partager des impressions, des réflexions, des propositions. D’autres cherchent le moyen de le faire sans y être encore parvenus. Avec mes frères prêtres, je voudrais vous remercier pour votre présence attentive et votre prévenance. Il est bon que nous apprenions à nous dire les choses, même quand elles sont difficiles ou suscitent le désaccord. La délicatesse n’empêche pas la franchise et l’inverse est vrai également. Je me permets de reprendre à mon compte les paroles vigoureuses que le Père Grégoire Cador a prononcées dans son homélie de la Toussaint : « frères et sœurs, je voudrais ici, solennellement, vous lancer un appel en faveur des prêtres de vos communautés : Aidez-nous ! Aidez-vous à être, pleinement bien sûrs, mais aussi à rester seulement ce que le Seigneur Jésus, Messie Crucifié, nous appelle à être, lui qui n’est pas venu pour être servi mais pour servir et donner sa vie. Si vous repérez chez l’un d’entre nous le risque de se prendre pour ce qu’il n’est pas, ayez le courage de le reprendre comme on reprend un frère, par amour. Ne vous laissez pas impressionner par la noblesse de sa vocation derrière laquelle aucun de nous n’a le droit de se cacher ».

 

À plusieurs reprises, la question m’a été posée de savoir de quelle manière nous pouvions avancer désormais pour nous approprier les recommandations de la CIASE et contribuer à la reconstruction de l’Église. C’est ensemble que nous pourrons avancer et discerner les réponses à apporter et les initiatives à prendre. Dans un premier temps, il me semble important de prendre le temps de lire les documents publiés par la CIASE (le rapport ou, au moins, son résumé ainsi que les recommandations qui ont été formulées). Par ailleurs, nos évêques – accompagnés de nombreuses autres personnes – ont accompli un travail majeur au cours de leur assemblée plénière à Lourdes, donnant lieu à un certain nombre de décisions.  Vous trouverez ci-dessous les liens vers ces différents textes.

 

Sur le plan diocésain, trois initiatives méritent d’être rappelées :

  • Mgr Le Saux a proposé à tous ceux qui le souhaitent d’apporter une réponse personnelle aux trois questions suivantes :
    1. Quels ont été vos sentiments et vos réactions lors de la publication de ce rapport ?

 

  1. L’avez-vous lu ? Qu’en retenez-vous ? Si vous ne souhaitez pas le lire, pouvez-vous expliquer pourquoi ?

 

  1. Dans son rapport, la commission fait aux évêques une série de recommandations. Et vous, quelles seraient vos propositions, vos préconisations, vos souhaits pour l’Église de demain ?

 

Les réponses, personnelles ou de groupe, signées ou anonymes, sont à envoyer :

Réception Rapport CIASE,

Maison Saint-Julien, 26 rue Albert Maignan 72000 Le Mans.

  • Une rencontre publique d’échanges et d’information aura lieu ce mercredi 17 novembre, de 20h30 à 22h, à la maison Saint-Julien, en présence de l’évêque.
  • Une pièce de théâtre autobiographique de Laurent Martinez sera présentée le mercredi 24 novembre à la salle des concerts. Elle traite, à travers le témoignage de son auteur, de la pédocriminalité dans l’Église et de ses conséquences. Les places sont à acheter sur le site www.billetreduc.com.

 

Ces événements douloureux nous invitent à enraciner notre vie en Dieu par l’écoute de sa Parole et par le temps gratuit accordé à la prière : une prière parfois douloureuse, peut-être traversée par l’expérience du vide ou du mutisme, mais une prière simple et vraie à la manière du psalmiste : « Rachète-moi de l’oppression des hommes, que j’observe tes préceptes » (Ps 118, 134). Ces mêmes événements viennent aussi stimuler notre charité fraternelle les uns à l’égard des autres, notre attention quotidienne à ceux que nous côtoyons, spécialement ceux qui ne s’expriment pas spontanément.

 

Frères et sœurs, chers amis, plus que jamais je vous exprime ma disponibilité et ma joie de vivre le service évangélique et le ministère de prêtre avec vous. En ces temps mouvementés et déstabilisants, je vous assure de ma communion dans la prière avec chacun d’entre vous et avec tous ceux qui vous entourent.

 

Père Benoît PIERRE

Curé de l’ensemble paroissial

“Cathédrale Saint-Julien / Église Saint Benoît

Notre-Dame de la Couture”

 

Les liens vers quelques textes :

  • Le rapport complet de la CIASE : ICI
  • Le résumé du rapport de la CIASE : ICI
  • Le discours de Mgr Éric de Moulins Beaufort au cours du temps mémoriel et pénitentiel à Lourdes le 6 novembre 2021 : ICI
  • Le discours de Mgr Éric de Moulins Beaufort en clôture de l’assemblée plénière des évêques de France à Lourdes : ICI
  • Les résolutions votées par les évêques de France en assemblée plénière le 8 novembre 2021 : ICI