Notre Dame de la Couture | Cathédrale du Mans

Les homélies du Chanoine Sesboüé


Notre cher Chanoine Sesboüé avait été très heureux que notre Ensemble paroissial publie, semaine après semaine, ses homélies dominicales.  Après son décès, après quelques semaines de recueillement, par fidélité et reconnaissance, nous reprenons la diffusion de ces belles méditations. 

16e dimanche année A                                                               20 Juillet 2014

 

Le bon pain et l’ivraie

 

Comme toutes les paraboles, celle que nous venons d’entendre a un double porté : répondre à un problème qui se posa aux disciples au long de leur éducation par Jésus ; être un élément de catéchèse pour les chrétiens de tous les temps. Nous observons ces deux aspects successivement en étudiant la parabole elle-même, puis l’explication qui en est donnée.

 

  • La parabole :

 

Le royaume des cieux est comparable

C’est une parabole du royaume, c’est-à-dire

De cette communauté de croyants instituée par Jésus, basée sur l’amour mutuel du Père et des hommes en la personne du Fils. L’annonce du royaume donne aux juifs pieux de ce temps la réponse à un désir le plus cher : établir une communauté sainte, constituée de fidèles fervents dans l’amour de leur Dieu. Pour y arriver les amis de Yahvé, le Dieu de l’alliance étaient soucieux de ne tolérer que ceux dont la vie contredisait notoirement la Loi d’Israël. Il était nécessaire d’exclure ces brebis galeuses du troupeau du Bon Pasteur. Plusieurs textes, en particulier dans les livres de Sagesse, témoignent de ce souci. Le refrain du Deutéronome, à propos des vices déclarés : Tu ôteras le mal du milieu de Toi était pris au sérieux.

Jean-Baptiste lui-même précurseur du Messie, reste dans cette ligne lorsqu’il déclare : Toute arbre qui ne produit pas de bon fruit sera coupé et jeté au feu. Mais voici que Jésus, loin d’exclure les pécheurs va chez eux, les reçoit. Il accepte comme disciples les gens jugés corrompus et dangereux.

Quel sera donc ce royaume ?

A cette question, à cette inquiétude, Jésus répond par cette parabole du bon grain et de l’ivraie. Il est bien le semeur qui, par son action et son enseignement sème le bon grain et de l’ivraie qui doit constituer le royaume. Mais il y a le drame de l’ennemi qui sème la mauvaise herbe. Nous reconnaissons l’affrontement entre Jésus et Satan. Sur ce dernier se réunissent toutes les forces du mal pour contrer sa mission et atteindre plus ou moins profondément, les disciples eux-mêmes. Jésus refuse le remède de l’extermination. D’une part, aucun homme ne peut prétendre discerner avec certitude les éléments irrémédiablement dangereux : de peur qu’en enlevant l’ivraie, vous n’arrachiez le blé en même temps. D’autre part le vrai disciple doit savoir regarder et vivre au contact des pêcheurs et attendre le jugement qui appartient à Dieu. Cette leçon de patience veut favoriser aussi la possibilité de la conversion. Si ce point n’est pas directement envisagé par la parabole, il est légitime de l’évoquer à la lumière de tout l’Evangile. Le témoignage et le bon exemple donné par les disciples fervents est une aide pour tous ceux qui sont moins fidèles. C’est pour vous que le Seigneur patiente, lisons-nous dans la 2e épître de Saint Pierre (2 Pierre 3, 9), il veut que tous aient le temps de se convertir. Par ailleurs quel membre du royaume peut-il prétendre être totalement juste ? N’y a-t’il pas en chacun de nous, infiltrations de l’ivraie que nous ne chassons pas tout de suite ? Finalement, la parabole appelle à la patience, mais aussi à une ferveur de plus en plus grande dans l’accomplissement de la volonté de Dieu et à un immense désir de la purification de tous nos frères.

 

  • L’explication évangélique

 

Matthieu met dans la bouche de Jésus une explication allégorique de la parabole qui ne reflète plus le temps de la vie publique, mais celui de l’Eglise affrontée au monde païen. L’opposition n’est plus entre les divers éléments du royaume (comprenons ici l’Eglise) et le monde païen : le champ, c’est le monde, le bon grain ce sont les fils du royaume ; l’ivraie ce sont les fils du Mauvais, en fait ceux qui refusent le royaume et s’opposent à lui. On sent un relent de persécution dans cette présentation. Faudrait-il déclarer la guerre à ce monde païen ? Les chrétiens se sentent entouré de ceux qui, à un titre ou à un autre s’opposent à sa situation de disciple mettant sa foi en danger ? Ici encore le texte porte notre regard sur le jugement final des hommes et des groupes. Nous notons en particulier la sincérité exercée envers ceux qui font tomber les autres, c’est-à-dire qui les entraînent au mal. Et ce passage nous laisse sur la perspective de l’antithèse à la fois dramatique et réconfortante entre l’image de la fournaise et celle du soleil lumineux : alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père.

Nous remercions le Seigneur de nous appeler à grandir, comme le bon grain, dans son amour, à être patient dans les difficultés qui peuvent venir de nos frères ou de nos adversaires dans la foi ; à toucher un regard lucide sur nos propres manques et l’immense compassion et miséricorde envers ceux qui sont plus loin ; enfin efforçons nous d’être de plus en plus aimants, fervents. En dépend notre propre bonheur et l’extension du royaume institué par Jésus.

Chaque jour, cette Eglise que nous sommes doit lever sa robe dans le sang de l’Agneau jusqu’à ce qu’elle soit purifiée par le feu du ciel et consommée en Dieu. Amen

(Cardinal de Lubac)